Wednesday, March 24, 2010

Alice ne fait pas de merveilles


Alice ne fait pas de merveilles


Qui mieux que Tim Burton pour mettre en images le classique de Lewis Carroll ? Avec son univers fantasmagorique, gothique, unique, le réalisateur de Edward aux mains d'argent et L'étrange Noël de Mister Jack est la première personne à qui l'on penserait s'il devait y avoir une version sombre et adulte d'Alice au pays des merveilles. Et on l'a longtemps rêvé, fantasmé, devant se contenter du jeu vidéo American McGee's Alice ou du projet Phantasmagoria : The Visions of Lewis Carroll du chanteur Marilyn Manson.

Mais voilà, c'est bon, Tim Burton a fait son Alice au pays des merveilles. Malheureusement ! Car il aurait peut-être mieux valu continuer à vivre dans l'espoir et la frustration que de voir ça. Comme si Tim Burton n'avait rien compris à la complexité, l'absurdité et la maturité de l'œuvre de Lewis Carroll. Alors que le dessin animé Alice au pays des merveilles de Disney en 1951 avait prouvé qu'il pouvait s'adresser à tout le monde par sa qualité et à chacun par ses différents degrés de lecture. Comme si Tim Burton n'était plus que le réalisateur de La Planète des singes et Big Fish, et qu'il avait perdu définitivement sa magie, son mojo.

Pourtant, tout était réuni pour que Tim Burton fasse une cure de jouvence, renoue à sa folie d'antan. Un sujet, avec une Alice âgée de 19 ans qui redécouvre le pays des merveilles et ses habitants (le Lapin blanc, Bonnet blanc et Blanc bonnet, la Chenille, le Chat de Chester). Un décor, véritable terrain de jeu et d'expérimentation à ses délires visuelles. Et puis un casting, avec Anne Hathaway en Reine blanche Crispin Glover en Valet, Helena Bonham Carter en Reine rouge et last but not least, Johnny Depp en Chapelier fou. Il s'agit de la septième collaboration entre le réalisateur et l'acteur, ils se connaissent par cœur, et le premier laisse toute latitude au second. Comme dans Charlie et la chocolaterie et Sweeney Todd, Johnny Depp cabotine donc à mort, en fait des tonnes et joue bientôt plus les Jack Sparrow que les Chapelier fou.

Cela peut amuser au début, surtout que le film en met plein la vue (en 3D), avec des couleurs criardes, des costumes flamboyants, des décors surchargés. Mais il ne s'agit plus là d'imagination débordante, juste de maquillage de voiture volée, avec des emprunts (voulus ou non) au Seigneur des Anneaux et au Monde de Narnia. Le système burtonien dévoile autant ses mécanismes que ses limites. Tim Burton n'est plus original, ni un original, il n'est plus que l'ombre de lui-même, juste un gentil faiseur, tranquille, pépère. Et à quelques fulgurances près, Alice au pays des merveilles est un sacré gâchis. Il distraira un peu les petits, ennuiera beaucoup les grands et au final, ne parlera à personne, entre la gravité de son sujet et la légèreté de son traitement. Et ne comptez pas sur le passage en 3D pour arranger les choses, le film a été pensé en 2D et cela se voit. Pour Alice au pays des merveilles, revoyez donc plutôt l'adaptation officieuse qu'en a fait Guillermo Del Toro avec Le Labyrinthe de Pan. Pour la 3D, attendez Dragons de DreamWorks, qui après Avatar, est le seul film à vraiment l'exploiter. Et pour Tim Burton, croisons les doigts pour ses prochains projets, et il en a beaucoup voire trop : Dark Shadows, Frankenweenie, La famille Addams et peut-être La belle au bois dormant.

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