Wednesday, November 25, 2009

Banquet- Irving Penn Thierry Marlat Gallery



Irving Penn est un des maîtres incontestés de la photographie moderne. D'abord connu pour ses photographies de mode, il devient vite incontournable dans l'art du portrait et de la nature morte. Il est reconnu pour son art de sublimer les objets les plus banals, comme les mégots de cigarettes qu'il récupère dans la rue et photographie comme des bâtons de rouge à lèvre. La complexité de ses images nous semble simple et limpide. Derrière se cache une construction des plus complexes. Les personnages qu'il photographie se livrent à son regard, et donc au notre, pour notre plus grand plaisir. C'est l'aboutissement de l'échange entre l'artiste et son modèle, de la tension qu'il réussi à créer dans chaque image entre l'objectif et le sujet photographié.

Durant sa fructueuse collaboration avec le magazine Vogue, Irving Penn se concentre sur l'amélioration des techniques d'impression, la page glacée étant pour lui l'aboutissement de ses créations. Des années plus tard, il change de point de vue et voit dans le tirage fine art, l'expression ultime de son œuvre. Il explorera la subtilité des tonalités de gris obtenues avec le tirage aux sels de platine, l'éclat des couleurs du tirage dye-transfer, les noirs mats ou brillants du tirage argentique. La variation inhérente au tirage manuel et la volonté d'accentuer ou d'estomper telle ou telle zone d'un tirage fait que chaque épreuve devient une oeuvre unique.

La rareté des ses photographies, leurs qualités esthétique et technique, la rigeur des processus de production sont caractéristiques de son empreinte et de son art. Ses tirages sont exposés dans les plus grands musées du monde (MoMA, MOCA, Whitney Museum of Art, J. Paul Getty Museum, etc...).

En réunissant une sélection de tirages autour du thème de la table, du banquet, nous avons souhaité mettre en avant plusieurs pans de son œuvre. Nous avons privillégié son art de photographier les natures mortes et les portraits, avec un clin d'œil au "petits métiers", un série qu'il a commencé à Paris en 1951. La présentation de réalisations passées aux côtés d'images inédites montre à quel point le photographe est à l'avant-garde de la photographie et maîtrise le tirage artistique.

Rooster réalisée en 2003, se place dans cette continuité, auquel s'ajoute le regard ironique d'un homme mûr. Cette représentation de la tête d'un coq est aussi impeccable dans son traitement esthétique que choquante par le choix du sujet. On y voit, plein cadre, le coq au cou tranché, auquel il manque des plumes à la base. Sa crête se dresse, intacte. Son œil à moitié ouvert paraît vivant. Une impression en contradiction au constat de décapitation de l'animal. Le coq mort nous fait un clin d'œil. Comme s'il savait, avant de se faire occire, qu'il finirait dans l'assiette.

Cette vision d'un homme, qui à 87 ans à ce moment là, et pour lequel la vie n'a plus de secret, tisse le lien entre l'art du portrait et la nature morte. En personnifiant le coq, Irving Penn nous fait prendre conscience de notre propre mortalité, tout en portant un regard amusé sur la barbarie de nos moeurs culinaires.

Se nourrir est une obligation chez l'homme et l'animal. C'est parfois vers un morceau de pain et de fromage qu'on se tourne pour trouver du réconfort. Ou une bonne table dans un restaurant. Nous vous proposons ce banquet, avec ses plats (natures mortes), ses invités de prestige (portraits), ses serviteurs (extraits des "petits métiers"). À travers l'objectif d'Irving Penn, nous avons imaginé une soirée mémorable entre Colette, Louis Jouvet, Jean Giono, Picasso et Yeves Saint-Laurent où bien sûr, comme dans Platon, on ne pouvait que parler d'amour. Monsieur Penn les a rejoint. Nous souhaitons qu'il festoie à leurs côtés.

Cette exposition a été réalisée avec l'aimable autorisation et la complicité de Monsieur Penn et de son fils Tom. La sélection d'œuvres, jusqu'au choix pour le carton d'invitation, a été validée par l'artiste.

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